Sébastien Castellion

Théologien et humaniste français
(Saint Martin du Fresne, 1515 – Bâle, 1563)

Né à Saint Martin en 1515, Sébastien Castellion y passe toute son enfance. A l’âge de 15 ans, il part à Lyon pour étudier au collège de la Trinité. En 1540, converti aux idées de la réformation, il rejoint Calvin à Strasbourg et devient l’un de ses plus proches collaborateurs. Plus tard, il le suit à Genève et se voit confier la direction du collège de Rive.
Mais, peu à peu, des divergences notoires l’opposent à Calvin. Mécontent de son autoritarisme, il critique son gouvernement et quitte Genève. C’est ainsi qu’en 1545, il s’établit à Bâle, refuge de nombre anabaptistes et protestants, opposés au réformateur genevois. Il exerce divers métiers, comme celui de correcteur d’imprimerie, avant d’être nommé, en 1553, professeur de grec à l’Université.

Un combat pour la tolérance

1553 voit la condamnation au bûcher de Michel Servet (médecin espagnol, théologien catholique), pour cause de refus de la doctrine trinitaire. Indigné, Castellion publie en latin, sous un pseudonyme, le « Traité des hérétiques » (De haereticis, an sint persequendi […] sententiae). L’ouvrage, dirigé contre Calvin, est une anthologie de textes anciens et récents (certains écrits par Calvin lui-même), qui condamnent la mise à mort pour opinion doctrinale déviante. C’est dans ce traité qu’on retrouve la fameuse phrase :

« Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme ».

Il complète son attaque contre le réformateur genevois en écrivant, en 1554,  « Contre le libelle de Calvin » (Contra libellum Calvini). Le traité circule sous forme manuscrite (immédiatement censuré, il ne sera publié qu’en 1612, bien après la mort de Castellion). Il y distingue les hérétiques, envers lesquels il faut agir charitablement, des blasphémateurs, qui méritent selon lui « la vindicte du magistrat ».
Il est également l’auteur de « De l’impunité des hérétiques » (De haereticis non puniendis), dirigé contre le Traité des hérétiques de Théodore de Bèze.

En 1562 débute la première des huit guerres de religion qui vont se succéder durant 36 ans. Cette même année, dans « Conseil à la France désolée », Castellion s’en prend aux catholiques et aux protestants qui prennent les armes et lèvent des armées pour des causes religieuses. Ses idées en faveur de la tolérance s’affirment encore dans cet ouvrage. Il développe l’idée qu’il faut cesser de forcer les consciences si l’on veut arriver à la paix entre catholiques romains et protestants. Plus de 50 000 français des deux confessions sont déjà morts.

Dans quelques textes signés sous de faux noms, Castellion appelle à ne pas réprimer l’hérésie par la persécution :

« Il vaudrait mieux laisser vivre cent, voire mille hérétiques
que de faire mourir un homme de bien sous ombre d’hérésie »
.

Tous les ouvrages de Castellion furent condamnés par les autorités ecclésiastiques, catholiques ou réformées. Ses éditeurs, craignant des poursuites de la part des autorités ecclésiastiques, publient les livres sous de faux noms et à des adresses fictives. Nombre d’entre eux ne furent d’ailleurs publiés qu’après la mort de Castellion.
Ainsi, « Dialogues sacrés » (Dialogi sacri), dans lesquels Castellion expose ses conceptions sur la foi, la prédestination ou encore le libre arbitre, ne seront publiés qu’en 1578. La publication de cet ouvrage entraînera l’emprisonnement de l’éditeur.
Enfin, son dernier ouvrage « De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir » (De arte dubitandi et confitendi, ignorandi et sciendi), écrit en 1563, exprime des conceptions rationalistes et antitrinitaires, ne sera pas publié de son vivant.

Une pensée religieuse non orthodoxe

s-castellion3En 1551, Sébastien Castellion publie une traduction de la Bible en latin. Dans sa préface, dédiée à Édouard VI d’Angleterre, il exprime ses premières idées sur la tolérance, tirant notamment ses arguments de l’Écriture Sainte elle-même, comme par exemple, le passage où Gamaliel prône la tolérance chez les Juifs (Act., V, 33-39).
Il s’oppose ainsi à la politique religieuse de Calvin. Théodore de Bèze qualifiera cette préface de « blasphématoire ». L’ouvrage est mis à l’Index par l’Inquisition, tant à Paris qu’en Espagne ou à Venise.

En 1555, il donne une version de la Bible en français.  Désireux de s’adresser aux ignorants et non aux lettrés, il utilise le langage populaire. Sa traduction choque, on estime qu’en employant « le jargon des gueux » la majesté de la Bible n’est pas respectée. Castellion doit alors défendre sa traduction, « Defensio suarum translationum Bibliorum » sera publié à Bâle en 1562.

Dix ans après l’affaire Michel Servet, les divergences entre Calvin et lui sont désormais profondes. Cherchant à préserver sa sécurité comme celle de sa famille restée à Genève, il décide de quitter Bâle pour la Pologne, mais il n’y arrivera jamais… Sébastien Castellion meurt d’une crise cardiaque en 1563, à l’âge de 48 ans.

Cet homme a fait preuve d’une formidable ouverture d’esprit pour son époque, il laisse derrière lui de nombreux écrits. Les idées qu’il défendait alors sont, malheureusement, aujourd’hui encore, plus d’actualité que jamais…

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